Portrait de vigneron – Eric Rodez

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Philippe Cahours de Fromages & Vins du Boulingrin
(28 rue de Mars  à Reims)
nous présente Eric Rodez

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Nous avons découvert Eric Rodez grâce à Philippe Cahours et il faut avouer que nous trouvons ses champagnes fantastiques de complexité, de douceur et de fraîcheur. Le domaine couvre 6,12 hectares sur 35 parcelles. Voici le portrait d’un vigneron remarquable qui nous a offert beaucoup de son temps et que l’on remercie grandement.

Eric Rodez est également un passionné de photographie. Nous avons choisi quelques-uns de ses très jolis clichés (que vous retrouverez sur sa page Facebook) pour illustrer l’article.

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Quel est votre parcours?
« Le domaine existe depuis 1757, je suis donc la huitième génération de vignerons. A l’adolescence, mes parents ont souhaité me retirer du confort dans lequel je vivais et m’envoyer en internat en Bourgogne, ce fut pour moi une déchirure, je rentrais toutes les 5 semaines. Ce fut néanmoins une exceptionnelle expérience où j’ai pu rencontrer des jeunes de partout. Jeune, je voulais faire trois métiers, viticulteur, œnologue et un métier lié à l’olfaction, parfumeur. Beaune fut une vrai révélation, en quittant la Champagne, j’étais fils de viticulteur, en rentrant, je voulais devenir vigneron. »

« Le vigneron champenois s’est transformé en viticulteur alors qu’il s’occupait précédemment des vignes comme d’un jardin. Aujourd’hui, la majorité des vignerons sont ultra spécialisés et beaucoup ont perdu le lien avec la terre. Le viticulteur est aussi un viniculteur, il doit s’attacher à l’agronomie. »

« A mon retour au domaine familial, je rentrais orgueilleux, je croyais tout savoir, formaté pour l’agriculture industrielle. Malheureusement ou heureusement, j’ai commencé par une année exceptionnellement… mauvaise, cette expérience m’a dévasté, je croyais ne jamais pouvoir produire de grands vins de Champagne. Je me disais que pour réaliser un grand champagne, il fallait comme les grandes maisons de Champagne bénéficier d’un large approvisionnement qui permettait de pouvoir réaliser des assemblages complexes. »

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« C’est en Alsace que j’ai eu le déclic : la clé d’entrée pour faire de grands vins, c’est le sol. J’ai commencé à changer en travaillant les sols pendant dix ans. J’essayais d’abandonner les procédés modernes pour privilégier l’enherbement. Au milieu des années 90, je me suis rendu compte que le parcellaire se comportait différemment, en montant dans mes vignes, je pouvais différencier le parcellaire sans avoir à le chercher. En effet, l’expression végétative de la vigne se voit à sa couleur, sa vigueur et aussi à son stress. A partir de là (vers 1995), j’ai démarré un deuxième cycle où j’ai appris à domestiquer les méthodes organiques. Presque la totalité du domaine était passé en bio en 2002 mais je ne désirais pas l’afficher. Ce n’est qu’en 2008 que j’ai revendiqué le passage en bio. »

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« Le bio est une chose, mais ce n’est pas pour cela qu’on ne peut pas encore progresser, on utilise par exemple du cuivre qui n’est pas sans impact pour l’environnement. J’ai commencé à utiliser l’aromathérapie, c’est-à-dire que j’ai intégré des huiles essentielles.
Le champagne est comme de la musique, le consommateur peut rechercher la même musique, comme le proposent les maisons de champagne qui savent orchestrer la même régularité d’année en année, on peut aussi trouver cette musique ennuyeuse à force de l’écouter. Les vins de terroir peuvent être vus comme un concert, la musique est la même mais l’émotion est toujours différente, le millésime d’une cuvée apportera toujours une vibration différente. Les vins de consommateur rassurent car on sait ce qu’on va y trouver, les vins de terroir ne nous disent pas comment ils vont nous faire vibrer. Je ne veux pas seulement vendre du bio, de la certification, je souhaite que ceux qui me découvrent ou me suivent le fassent pour avoir dans leur verre une émotion. Le métier de vigneron est un métier qui fait rêver, je le vois lors de mes déplacements à l’étranger où dès que je dis winemaker, je vois des bulles dans les yeux de l’autre. Je fais du champagne pour y trouver du plaisir et j’espère que dans huit générations, le Champagne Rodez existera toujours. Tout cela passe par le respect de la terre. »

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Pourquoi travailler en biodynamie, qu’est ce que cela apporte à vos champagnes?
« La biodynamie permet d’aller plus loin dans l’expression du terroir. »

Pouvez-vous nous parler de l’aromathérapie?
« Le bio tel qu’il existe aujourd’hui présente un certains nombre d’inconvénients, tels que l’utilisation du souffre, l’usage du cuivre. L’aromathérapie se présente sous forme de tisanes. J’ai voulu aller plus loin vers des pistes de réduction du cuivre et du souffre. C’est déjà ma onzième campagne où j’utilise l’aromathérapie. Les huiles essentielles à base d’agrumes (orange, citron) sont utilisées sur tout le domaine. L’eucalyptus et le thym sont utilisés sur certaines parcelles et ils donnent de très bons résultats sur le mildiou et l’oïdium. On peut recourir également à la lavande. Il s’agit toujours de dizaines de ml par hectare. Avec l’usage des huiles essentielles, je ressens une accélération de la sensation de craie et je me demande si l’aromathérapie y est pour quelque chose. »

Pratiquez-vous seul les assemblages?
« Oui, dans le sens où œnologue de formation, je n’ai pas de laboratoire conseil. J’ai un fils Mickaël qui a bourlingué à travers le monde, il goûte avec moi, sa compagne Aurélie, qui est également œnologue, participe aussi. On peut dire que pendant cinq ans, Mickaël dégustera derrière moi, après ce sera l’inverse. »

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Pouvez-vous nous parler des sols d’Ambonnay?
« L’immense majorité est sur craie, il y a environ 40cm de sol au-dessus de la craie. Il n’y a pas vraiment d’argilo calcaire et très peu d’argilo limoneux. »

Quel type de liqueur d’expédition utilisez-vous?
« J’ai recours à du MCR (moût concentré rectifié) avec un dosage très léger. Le MCR permet une meilleur régularité, ne change pas le goût du vin. J’utilise 70% de vin de réserve et 30% de vin de l’année pour faire une cuvée. Tous mes dosages sont des extra-bruts (inférieur à 5g de MCR) »

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Un mauvais souvenir de vendange?
« Indubitablement la première en 1984, j’avais un orgueil et un ego gros comme ça. J’ai appris à respecter la plante, en produisant moins et en stressant moins la vigne. J’ai aujourd’hui une qualité relativement régulière d’année en année. »

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Quel buveur de vin êtes-vous?
« Je suis épicurien, j’aime à peu près tout à l’exception des Retsinas grecs. Je bois des vins de partout, aussi bien de France que du nouveau monde. Je bois bien sûr des vins de terroir mais aussi des vins de consommateur.
Derrière chaque bouteille, il peut y avoir une vibration humaine, la reconnaissance d’un savoir-faire. »

Que vous apporte le fait de participer à un groupement de vignerons? (Les mains du terroir)
« La dynamique de groupe est toujours quelque chose d’intéressant, on ne gagne jamais à rester tout seul. Il faut toujours aller à la rencontre des autres.
Parmi les vignerons présents aux mains du terroir, je voudrais saluer tout particulièrement le travail de Jean-Marc Sélèque qui réalise de superbes cuvées, celui de Jean-Pierre Vazard qui crée des vins d’une extrême gourmandise et enfin Michel Jacob (Champagne Serge Mathieu) qui sur des terroirs dits plus difficiles fait des champagnes ciselés de toute beauté. »

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ADRESSES DES VIGNERONS CITES

Champagne Eric Rodez – 4 rue d’Isse – 51150 Ambonnay
voir la localisation sur un plan – à 30 minutes de Reims
Vous retrouverez les cuvées d’Eric Rodez aux 3 p’tits bouchons
et aux caves du Forum.
page Facebook d’Eric Rodez

Jean-Marc Sélèque – 38 rue du Général de Gaulle à Pierry
Tél.: 03.26.54.02.55

Jean-Pierre Vazart – Champagne Vazart-Coquart et Fils – 6 rue des Partelaines à Chouilly
Tél.: 03.26.55.40.04

Michel Jacob – Champagne Serge Mathieu – 6 rue Vignes à Avirey Lingey
Tél.: 03.25.29.32.58

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